Le Droit de lire : l’intégrale des 3 articles parus dans Le Voyageur | La Voix du Nord

Posted on Monday May 2nd, 2022 by Michèle Minor-Corriveau

« Le droit de lire » 1 : Le droit de ne pas être ignoré

Une analyse en trois parties de la traduction du rapport « Le droit de lire : enquête publique sur des questions touchant les élèves ayant des troubles de lecture » de la Commission ontarienne des droits de la personne par la professeure d’orthophonie Michèle Minor Corriveau.​​

J’avais hâte de lire le rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) sur « Le droit de lire : enquête publique sur des questions touchant les élèves ayant des troubles de lecture » lorsqu’il a été présenté. Nous l’attendions depuis un bon moment. Malheureusement, le résultat final est loin d’être à la hauteur des attentes du milieu de l’éducation en français. À partir des consultations avec les experts, les Facultés d’éducation et le personnel enseignant jusqu’à la traduction, en passant par les concepts mentionnés, très peu de démarches ont été prises en pensant aux francophones. Tellement, qu’il faudra plus d’un texte pour les énumérer.

J’étais au début très rassurée par le fait que des experts dans leurs domaines respectifs aient été consultés. Toutefois, il y a eu un glissement important. Malgré la similitude dans les typologies du français et de l’anglais, l’enseignement de la lecture dans ces deux langues ne suit pas forcément les mêmes étapes et ne dépend pas des mêmes outils pour y arriver.

En plus, les conseils scolaires de langue française ne suivent pas le même programme-cadre. Ces programmes-cadres ne sont pas semblables sur le plan du contenu ou de la forme. Vous pouvez consulter les différences du curriculum de l’Ontario en ligne si vous êtes curieux (Programme-cadre du curriculum de l’OntarioEnglish Language Arts Curriculum).

À même le titre du rapport d’enquête, les différences et les manquements sont évidents. Dès la page 6, il y a une belle photo d’un élève tenant une pancarte qui dit : « 1st day of kindergarten ».

Un graphiste aurait pu modifier l’image pour y ajouter un message en français.

Et ce n’est pas le seul exemple d’image en anglais dans la version française du rapport. N’auraient-ils pas pu être un peu plus inclusifs, à tout le moins en utilisant des visuels auxquels les francophones pourraient s’identifier, qui reflètent la perspective des élèves francophones ?

Cela aurait-il été satisfaisant ou suffisant ? Bien sûr que non. Cela aurait pu témoigner d’un effort pour inclure — à tout le moins — les perspectives des francophones dans ce document. Peut-être les réactions auraient-elles été un peu moins fortes.

Les mauvaises excuses

Faut-il conclure que l’enquête sur « Le droit de lire » n’a pas inclus la perspective francophone ? Effectivement, c’est ce que la Commission ontarienne des droits de la personne a confirmé.

Aucun conseil scolaire ou école des sciences de l’éducation en langue française n’a été inclus pour témoigner de la réalité de l’enseignement que reçoivent nos enfants et des outils dont dispose le personnel enseignant. Un porte-parole de la CODP a déclaré que l’inclusion des francophones dans leur enquête aurait nécessité une toute autre initiative et que cela aurait donné lieu à un rapport très long s’ils l’avaient fait.

L’importance d’une enquête d’aussi grande envergure pour les anglophones est bien sûr justifiée. Pourtant, on se soucie du fait que l’inclusion du volet francophone aurait ajouté au temps d’enquête ou à la longueur du rapport alors que le rapport complet, lorsque copié et collé dans un logiciel de traitement de texte, dépasse déjà les 500 pages, peu importe la langue. Pourtant, l’objectif ultime n’est-il pas de revendiquer « Le droit de lire » de TOUS les enfants de la province ?

Le porte-parole a également déclaré qu’il aurait été impossible d’examiner toutes les langues parlées en Ontario. Un certain premier ministre a déjà utilisé une excuse similaire, au grand désespoir de la communauté franco-ontarienne.

Rappelons que le français est la seule autre langue officielle au Canada pour le moment et qu’il n’y a pas d’écoles financées par les fonds publics dont la langue de scolarisation est autre que le français ou l’anglais. Il est peu prudent d’avoir intentionnellement évité une population aussi importante. Il est étonnant, voire choquant, d’entendre une telle déclaration de la part de la CODP, qui devrait être au courant de la différence. Ce type de déclaration ne va-t-il pas à l’encontre du mandat de la CODP ?

Les programmes de lecture

Sur le plan linguistique, le français et l’anglais partagent des typologies semblables, ce qui favorise un certain partage translinguistique des compétences entre ces langues lorsque les élèves apprennent à parler et à lire. Les élèves qui fréquentent les écoles de langue française exemplifient ce constat et leurs compétences langagières s’en enrichissent lorsqu’elles sont exploitées de manière équivalente par une exposition fréquente aux deux langues, à l’oral et à l’écrit.

Le document en langue française se prononce sur une panoplie de programmes de lecture, tels que SRA Open Court Reading, Wilson Fundations, Firm Foundations, Remediation Plus, SRA Early Interventions in Reading Skills, Empower Reading, SRA Reading Mastery and Corrective Reading, SpellRead, Wilson Reading System, Lindamood Phoneme Sequencing, ABRACADABRA et bien d’autres.

Bien que les programmes de lecture destinés à être utilisés avec la population francophone soient peu nombreux, il en existe bien quelques-uns, mais aucun d’eux n’a été évalué. Une consultation auprès de ceux qui ont étudié les programmes qui existent en français aurait révélé cette lacune et soulevé un constat important : plusieurs ressources qui servent à évaluer nos enfants, telles que GB+, entre autres, sont traduites de l’anglais — PM+ Benchmark — et n’ont pas bénéficié d’une véritable adaptation, ce qui rend désuètes les normes établies ainsi que leur usage dans les écoles de langue française, sans parler du fait que les traductions mêmes non adaptées conviennent souvent mieux à des populations où le français est la langue de la majorité qu’à des francophones scolarisés en milieu linguistique minoritaire.

La grille d’évaluation qui accompagne cette série est effectivement fondée sur un système d’analyse des erreurs de parcours qui est ancré dans ce qui est à éviter au stade où la lecture est en émergence, soit le système à trois indices : pour corriger ses erreurs, l’élève est incité à se fier au sens, à la structure et aux indices visuels. On y reviendra dans le deuxième article. Dans les trois cas, une maitrise incomplète des correspondances lettres-sons n’aidera pas à développer cette compétence chez les apprenants qui est souvent exposé à des livres pour lesquels ils ne sont pas aptes à décoder tous les mots sans évoquer les règles lexicales ou de grammaire qui entrent en jeu, mais pour lesquelles l’enseignement se poursuivra pendant plusieurs années et, pour certaines règles, toute la scolarité.

Il faut cesser de sous-estimer l’importance de porter attention aux auteurs qui ont créé les livres, les critères qui ont été suivi pour respecter la progression des apprentissages à tous les plans (correspondance graphophonémique (lettres-sons), règles lexicales, règles syntaxiques, niveau de vocabulaire, structure de phrase) les critères d’étalonnage des données probantes, lorsque disponibles lors de la sélection de livres à privilégier pour enseigner à nos jeunes à lire.

Critiques à l’égard de conseils scolaires (de langue anglaise)

Le rapport « Le droit de lire » présente de nombreuses critiques à l’égard des conseils scolaires. Bon nombre des questions ou des domaines dans lesquels on a soulevé des lacunes chez les conseils scolaires qui ont participé à l’enquête sont en fait des forces relatives pour certains conseils scolaires de langue française.

Il est dommage que les conseils scolaires francophones n’aient pas eu l’occasion de partager leurs forces relatives à la collecte de données, à la génération de rapports d’analyse ou au pistage du progrès des élèves, entre autres. Cela aurait été un excellent moment de favoriser les partenariats interinstitutionnels dans une perspective qui aurait favorisé une approche plurilinguistique.

La semaine prochaine : quelques exemples de la traduction douteuse du rapport.

« Le droit de lire » 2 : Traduction douteuse

Une analyse en trois parties de la traduction du rapport « Le droit de lire : enquête publique sur des questions touchant les élèves ayant des troubles de lecture » de la Commission ontarienne des droits de la personne par la professeure d’orthophonie Michèle Minor-Corriveau.

La traduction du rapport « Le droit de lire » est problématique. Le rapport n’a pas été adapté à la réalité des francophones qui sont scolarisés en français en situation linguistique minoritaire. Il s’agit d’une traduction très directe — très souvent littérale— et non d’une adaptation, qui se lit comme une traduction Google dans laquelle aucune statistique sur nos enfants n’a été incluse ni aucune pratique exemplaire sur la manière d’enseigner et d’apprendre à lire ou à écrire en français.

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) n’a tout simplement pas considéré la minorité linguistique francophone de l’Ontario, soit la plus nombreuse au Canada, qui compte 53,76 % de la population francophone minoritaire au pays.

L’absence de nuance entre les deux versions du rapport est évidente. À titre d’exemples, voici des termes ou expressions qui manquent de saillance en français, ou dont le sens littéral est différent en français :

  • Le « 3-cueing system » est traduit par « les trois systèmes d’indices ». D’une part, le lecteur ne comprend pas trop ce à quoi on fait référence et, d’autre part, la traduction laisse entendre qu’il y a trois systèmes, alors qu’il s’agit de trois indices ou repères faisant partie d’un même système. Un retour au document en anglais a permis de reconnaitre le concept qui est évoqué. Ce phénomène se produit à plusieurs reprises en référence à d’autres concepts dans le document.
  • À la page 33 du rapport de langue anglaise, dans la section « Barriers for students learning in French », on traite des obstacles auxquels sont confrontés les élèves qui apprennent dans un contexte d’immersion en français. Il s’agit d’une situation très différente de celle des élèves qui sont scolarisés dans les écoles de langue française à titre de langue maternelle, bien qu’un pourcentage important d’enfants qui fréquentent les écoles de langue française aient eu une exposition limitée à la langue française à leur rentrée à l’école. Cette distinction n’est pas soulignée dans le rapport en langue française, ce qui est regrettable. Le même constat a été repéré dans les 157 recommandations : lorsque des références à la langue française figurent dans le document en anglais, c’est davantage dans un contexte d’immersion. D’ailleurs, lorsqu’ils mettent en valeur la langue anglaise, dans le document de langue française on lit : « la langue d’apprentissage », comme suit (recommandation 124):

Parmi d’autres erreurs, omissions ou traductions trompeuses, on trouve :

  • « Educators » qui est traduit par « éducateurs », alors qu’on fait référence au personnel enseignant. L’emploi du terme « éducateurs » en français est équivalent à « educational assistants » en anglais. La distinction est importante par respect pour les deux professions.
  • « EQAO », dont l’équivalent français est l’« OQRE », est traduit par EQRO, ce qui est incorrect, bien qu’il est souvent traduit correctement. Une révision linguistique par quelqu’un qui s’y connait dans le domaine de l’éducation aurait permis d’éliminer plusieurs maladresses et aurait donné une force apparente au document final.
  • Le terme « area (of difficulty) » est traduit comme « chapitre », ce qui n’a aucun sens étant donné le contexte. Le lecteur se voit obligé, encore une fois, de consulter la version en langue originelle pour en saisir le sens juste.
  • L’expression « basic skills » est traduite de manière interchangeable comme « compétences initiales » ou « compétences de base en lecture », plutôt que par les termes reconnus en français « compétences fondamentales » ou « fondements en lecture ».
  • Le terme « spelling » est traduit par « épellation » au lieu de « compétences à orthographier » ou « compétences en orthographe » ce qui aurait mieux évoqué la terminologie employée dans les écoles de langue française.
  • Les images du rapport complet n’ont pas été traduites, même lorsqu’il aurait été acceptable de le faire :

Les données présentées dans le document sont rapportées en anglais et ne reflètent pas les données probantes recueillies auprès d’élèves de langue française, ce qui témoigne d’une approche normative anglocentrique peu inclusive, ce qui va à l’encontre du mandat de la CODP.

Il existe un grand nombre de communautés où les francophones ne sont pas parfaitement bilingues et auraient du mal à comprendre ce qui est présenté ou à savoir départager les faits qui se rapportent à leur enfant ou à leur réalité. Si les données n’existent pas en français, alors il aurait fallu le rapporter, transparence oblige.

De mauvaises cibles

Une importance excessive a été accordée au terme « dyslexie » dans le rapport. Le terme « dyslexie » signifie une incapacité à accéder au code écrit, donc à décoder : dys = difficulté et lexie = lecture.

Bien que plusieurs évitent l’utilisation de ce terme peu utilisé en milieu scolaire et que le rapport d’enquête suggère que son utilisation doit devenir plus courante, ce qui est également soutenu par de nombreux professionnels et par la recherche, il ne s’agit pas du trouble du langage écrit le plus répandu. Il existe un plus grand nombre d’élèves qui arrive à décoder, sans pour autant tirer du sens de ce qu’ils lisent, que d’élèves qui n’arrivent pas à décoder correctement.

Ces difficultés ne s’estompent pas avec le temps chez certains élèves malgré les mesures de prévention qui sont mises en place, d’où l’importance de pister les progrès à partir d’une intervention explicite bien planifiée pour être en mesure de savoir de quel type de trouble du langage écrit il s’agit. La pertinence des objectifs d’enseignement, soit la différenciation pédagogique, en dépend.

Des recommandations qui font sourciller

La traduction n’est pas la seule partie du rapport qui n’est pas conforme à la façon dont les choses se passent dans les écoles de langues françaises. Des stratégies qui sont davantage utilisées et pertinentes dans l’enseignement de la lecture en anglais se retrouvent dans la version française du rapport.

Par exemple, l’une des différences philosophiques fondamentales entre les deux programmes-cadres et les pratiques pédagogiques exploitées par les conseils scolaires de langue française ou anglaise est le fait que l’approche du système à trois indices (ang. « 3-cueing system » ou « MSV ») est beaucoup moins usitée dans les écoles francophones, ou l’est-elle tout autant sous un autre nom ?

Même si cette terminologie est reconnue par très peu d’enseignantes et d’enseignants à l’extérieur des contextes de l’immersion ou des écoles de langue anglaise, les stratégies comme : « Est-ce que ça a du sens » (S), « Est-ce que ça sonne correct » (St), « Est-ce que ça a l’air correct » (V) ou encore « Regarde l’image pour t’aider », « Peux-tu trouver un mot de la même famille » ou « Lis toute la phrase pour voir si tu peux deviner » sont bel et bien présentes dans les écoles et sont reconnues comme étant des pratiques à éviter. Bien avant la présentation de ce rapport, les orthophonistes scolaires ont longtemps dénoncé ces rétroactions correctives peu efficaces, voire nuisibles au développement des compétences de l’apprenti lecteur.

Le recours au sens comme stratégie de dépannage lors de la lecture n’est pas forcément contreproductif au départ. Que fait alors le lecteur compétent lorsqu’il est confronté à un mot qu’il ne comprend pas pendant la lecture ? Il tente de dégager un sens à partir du contexte de la phrase. Cette stratégie est utile lorsque les compétences langagières sont suffisamment développées peut toutefois être nuisible lorsque l’on encourage l’élève qui n’a pas encore maitrisé toutes les correspondances graphophonémiques (lettres-sons) à se fier à l’image au lieu des lettres ou à deviner le sens d’un mot à partir du sens des mots environnants ou de la structure de la phrase.

Cette stratégie retient une pertinence lorsque l’apprenti lecteur passe du stade d’apprendre à lire, au stade de lire pour apprendre. À ce moment, le lecteur confirmé approfondit ses connaissances sur le monde à partir de ce qu’il lit. C’est une question d’enseigner les bonnes choses au bon moment.

La semaine prochaine, un coup d’œil aux pistes de solutions.

« Le droit de lire » 3 : Conclusion et pistes de solution

Une analyse en trois parties de la traduction du rapport « Le droit de lire : enquête publique sur des questions touchant les élèves ayant des troubles de lecture » de la Commission ontarienne des droits de la personne par la professeure d’orthophonie Michèle Minor-Corriveau.

Malgré les flagrantes lacunes présentées dans les deux textes précédents, il ne faut pas tout rejeter du Rapport d’enquête « Le droit de lire ». Certaines recommandations peuvent être intégrées à l’enseignement en langue française. Les orthophonistes qui évaluent et interviennent auprès d’élèves qui ont des troubles du langage écrit en parlent depuis au moins 20 ans avec les enseignants, les écoles, les conseils scolaires et leurs administrateurs ainsi qu’avec le ministère de l’Éducation. Ces informations ne sont pas nouvelles. Elles peuvent, toutefois, être nouvelles pour certains.

Il est difficile de se fier aux recommandations ou à la rigueur d’une enquête qui a négligé de nuancer ses propos, à un point tel qu’il a fallu accéder au document original en anglais pour comprendre. Malheureusement, la qualité du document traduit, lorsqu’il manque d’adaptation et de nuance, soulève des questions importantes quant aux droits de lire de tous : ce que l’enquête avait pour mandat d’accomplir. Le public a tout à gagner à se poser ces questions légitimes.

Or, quand on ajuste notre lentille en effectuant des recherches rigoureuses, il est possible de dégager des constats qui s’appliquent à l’apprenant, peu importe la langue dans laquelle il est scolarisé. Entre autres, dans ce rapport d’enquête, on a critiqué les méthodes d’évaluation du rendement de l’élève à partir de livres gradués et de systèmes d’indices (discuté dans notre 2e article) et les différentes activités de lecture prodiguées par le personnel enseignant. Comme pistes de solution, nous posons trois questions.

Les approches pédagogiques

Les réponses sont dans la formation et non dans l’information. Les orthophonistes scolaires sont des professionnels de la communication en français qui mènent des études sur les populations minoritaires en Ontario. Ils et elles ont recueilli des données probantes qui représentent cette population. Il est essentiel d’inclure ces données lors de la création d’une progression des apprentissages visant à enseigner tous les aspects de la langue orale et écrite.

Des progressions des apprentissages doivent être établies en lien avec l’acquisition de compétences langagières en français et refléter les réalités « des » langues des apprenants, de leurs besoins et il est impossible d’y arriver sans considérer la structure de chacune des langues qui sont enseignées, mais également celles auxquelles les apprenants sont exposés régulièrement.

Certaines progressions circulent, mais aucune d’elles n’intègre toutes les composantes qui doivent interagir dans le cerveau du lecteur/scripteur. Il faut savoir intégrer les informations dans une pédagogie au service de l’apprentissage qui puise ses fondements dans la science tout en ajustant les attentes de réussite aux élèves qui forment le groupe-classe, et non une norme dictée quelque part, établie sur une tout autre population, dans une langue ou un milieu linguistique différent.

Les types de livres

Un livre, même lorsqu’il fait partie d’une collection de livres très bien développée et étayée, n’a pas de propriétés diagnostiques en soi. C’est à partir de l’analyse de l’erreur du lecteur et en fonction de ce qui a été enseigné à l’élève que le personnel enseignant doit étayer son enseignement pour soutenir le lecteur dans ses apprentissages. Il n’est pas nécessaire de vous défaire de tous les livres qui sont dans votre salle de classe. Suivez ces conseils :

1. Faites la distinction entre un livre lu aux enfants et un livre lu par les enfants. Cette distinction est importante, car les deux types de livres ont leur place, en même temps, sur la trajectoire de l’apprenant. A) Des livres déchiffrables qui contiennent des correspondances sons-lettres qui ont été enseignées et maitrisées par l’apprenant en suivant une progression des apprentissages bien fondée sont utiles pour bâtir la confiance du lecteur. B) Des livres jeunesse qui présentent un vocabulaire riche et authentique servent à étoffer les habiletés langagières orales qui servent de fondement à la compréhension en lecture. Les deux doivent être exploitées en parallèle dans des contextes d’apprentissage différents.

2. N’accordez pas d’importance non justifiée à un livre, quelle qu’en soit la collection. Utilisez vos livres gradués comme on le ferait un livre jeunesse. C’est-à-dire, oubliez les niveaux de lecture qui les définissent ou dans lesquels ils ont été classés — encore plus si le niveau de lecture a été attribué à un livre jeunesse qui n’a pas été créé à partir de critères établis. A) Ils ne sont pertinents que lorsqu’ils ont été étayés par et pour une population définie, dans la langue ciblée et à partir d’un vocabulaire usuel connu de ces apprenants. B) Ils ne sont utiles que lorsque le lecteur a maitrisé toutes les correspondances sons-lettres qui se trouvent dans le livre présenté, faute de quoi les mots qui s’y trouvent ne pourront pas être déchiffrés et le lecteur sera porté à deviner les mots qu’il n’arrive pas à lire.

3. Prenez l’habitude d’évaluer les compétences en lecture des élèves en tenant compte de ce que vous avez enseigné et en enseignant tous les volets importants pour devenir un lecteur compétent, y compris la conscience phonologique/phonémique, le vocabulaire, la structure des mots (morphologie), la structure des phrases (grammaire) et éventuellement la structure des textes, en activant les connaissances antérieures pour aboutir à la compréhension et à l’inférence en suivant des progressions des apprentissages claires et axées sur les principes de la science de la littératie.

Lecture guidée et lecture partagée

Afin que le lecteur puisse, un jour, lire de manière autonome, il devra avoir vécu l’expérience de lire en étant accompagné. Certains diront que la lecture guidée a pour but de maximiser les habiletés de réflexion du lecteur sur ce qui a été lu, alors que la lecture partagée mise sur une interaction entre le lecteur débutant et son enseignante.

Peu importe, quoique ces deux types d’activités peuvent favoriser le développement du vocabulaire et amener l’élève à réfléchir à ce qui a été lu, l’élève peut réfléchir sur ce qui a été lu et interagir avec son enseignant sans avoir lu de manière autonome.

Il est faux de croire qu’en pratiquant ce type d’activité, l’élève arrivera à lire de manière fluide et autonome sans avoir reçu d’enseignement explicite sur le code. La CODP a raison ici. Mais les activités de lecture partagée, qui incluent la lecture interactive, la lecture jumelée et la lecture en dialogique et en dyade, demeurent d’excellents moyens de susciter l’intérêt et de faire croitre le vocabulaire de l’élève. Ces activités ne peuvent toutefois pas servir de substitution à un exercice de lecture faite par l’élève, dans lequel il est amené à déchiffrer de manière autonome et comprendre les mots pour lesquels il a reçu un enseignement explicite des correspondances sons-lettres.

La CODP critique sévèrement ces approches. Encore une fois, ce ne sont pas les activités, à la base, qui sont nuisibles au développement de la littératie chez l’élève. C’est qu’on leur a souvent accordé une trop grande importance dans le bloc de littératie sans avoir passé suffisamment de temps à expliciter le code en fonction d’une progression des apprentissages. Bref, l’un ne peut pas être priorisé aux dépens de l’autre, surtout lorsque ce qui aurait dû avoir été explicité a été négligé pendant trop longtemps. On s’est fié trop longtemps aux niveaux de lecture (soit 1 à 18, 1 à 30 ou A à Z) comme étant une représentation fidèle des acquis de l’élève, ce qui n’est pas possible à partir de traductions non adaptées, et sans  vérification et validation empirique. Lisez davantage sur les écueils des séries de livres gradués ici

L’aspect guidé de la lecture qui réfère à un niveau de lecture fictif, non étalonné, d’après laquelle la réussite de l’élève est mesuré, ça, c’est ce qui est contesté. Et avec raison. Ce n’est pas le fait d’être engagé à des activités de lecture où l’apprenant et le lecteur compétent prennent des tours à lire des passages quelconques, ce qui est toujours pertinent – faites varier les contextes et vous susciterez l’intérêt de l’apprenti lecteur.

Conclusion

Rappelons que l’apprentissage de la lecture est un marathon, pas un sprint. La réponse à la question de l’heure ne repose pas dans un programme prescriptif, mais bien dans la formation du personnel enseignant. C’est l’élément clé qui mènera à la véritable réussite en lecture et ce qui et permettra d’adapter tout le matériel à sa disposition pour faire en sorte qu’il corresponde aux principes favorables qui font partie d’une approche pédagogique explicite, systématique et progressive des apprentissages.

Lorsqu’il s’agit de lire et d’écrire, TOUT est perdu dans la traduction du rapport « Le droit de lire ». Le droit de lire est pour toutes et tous, pas seulement pour les locuteurs de la langue majoritaire.

Ressources additionnelles :

Ce billet de blogue fournira des réponses à certaines questions ainsi que des moyens de fournir rétroaction corrective efficace à l’élève. Pour télécharger la version imprimable, rendez-vous ici.

Ce webinaire informatif et exhaustif vous permettra de mieux savoir quel type de livre privilégier et dans quel contexte pédagogique. Vous y trouverez des ressources pédagogiques téléchargeables pour parents, enseignants et élèves. Imprimez ke signet Lire à deux c’est mieux pour maximiser les occasions de lecture tout au long de la journée, dans plusieurs contextes ludiques.

Téléchargez ce signet destiné aux enseignants qui permettra d’accéder à la formule de décodabilité/déchiffrabilité rapidement.

Comment aider l’élève à savoir quand un livre est trop difficile ? Alors vous pouvez imprimer ce signet pour lui donner quelques indices.

Ce signet vous permettra de mettre en pratique les stratégies qui favorisent le décodage auprès de l’apprenti lecteur qui est en lien avec les principes de la science de la littératie. Pour imprimer ce signet qui illustre bien les stratégies de lecture qui sont en lien avec les principes d’une approche axée sur la science de la lecture, rendez-vous ici, gracieuseté de www.childpsychologynorth.com

Et que faire pour l’élève plus expérimenté qui doute de ses compétences et de ses connaissances ? Alors écoutez cette vidéo de 5 à 6 minutes qui expliquera comment faire pour savoir (1) si le texte contient trop d’inconnu, et (2) comment trouver des solutions pratiques pour contourner les difficultés. Ces deux exposés, dont un en français et

Au secours, je me noie dans une mer de mots inconnus | et un anglais I’m drowning in a sea of unknown words ont été présentés à des élèves du niveau intermédiaire le 11 février 2021 dans le cadre de la Journée mondiale internationale de la femme en sciences 2021. 

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